Leda - Les femmes sont toujours plus constantes en haine qu'en amour

Je suis comme ces animaux colorés pour indiquer leur toxicité. Alors je suis fardée, apprêtée comme la parfaite réflexion de femme qu’on se fait. Mes lèvres sont teintes en carmin, mes yeux sont fardés. Mon regard n’exprime pour autant pas grand-chose de mon âme. J’apprécie de contempler la déchéance des autres car elle fait écho à la mienne. Ma fierté n’a d’égale que le plaisir malsain que je ressens quand j’en suis responsable. Mon monde tourne autour de moi car celui des autres me parait dépourvu de charme.   Chacun est l’artisan de sa propre destruction, je ne fais pas exception mais comme j’aime me rendre utile, je les aide de bon cœur. J’ai dans les yeux la souffrance des vivants, dans l’âme celles des morts.
 
J’ai eu fusse-t-un temps la douceur et la bonté comme qualité. Je me souviens comme j’étais chaleureuse à la lueur de ce passé qu’on m’a arraché. Fidèle, volontaire et loyale, un parfait animal de compagnie à apprivoiser. Une parfaite petite idiote à abuser,  la réalité m’a rappelé à l’ordre arrachant ma liberté d’esprit et mon indépendance pour ne laisser que le reflet de ma propre déchéance. J’ai dans les tympans le chant du passé.

Avoir le cœur sur la main, ça ne veut rien dire d’autre que de l’offrir en pitance aux plus rapides et plus fourbes. Je suis bien trop inconstante pour laisser cela arriver. Un jour je brûlerais que vous me dévoreriez toute entière et le lendemain je vous congédierais comme la pire des crapules.  Je ferais une scène sans nom de votre inconstance alors que la mienne constitue un exemple dans le domaine. Vous m’appellerez fourbe, traitresse ou encore diva et je saurais que j’ai rempli ma part de notre contrat social. J’ai dans le cœur des milliers de poison.

J’aime parler de moi mais pas de ce que je ressens. Je ne supporte toutefois pas lorsque vous vous croyez en devoir de me corriger ou de me faire changer. Vos mots provoquent mon ire, soucieuse de gagner l’affrontement mon insolence et mon caractère me font vous sauter à la gorge pour vous faire taire. Mes emportements quasi divins renforcent sans aucun doute l’idée que je ne suis qu’une comédienne, qu’une intrigante. J’ai dans la bouche un vocabulaire arc-en-ciel empoisonné.

Dévorée par mes propres démons, je me souviens à peine de mes élans de  violence  tellement ils sont  incontrôlables. La hargne m’a permis de survivre et de m’accrocher qu’importe ce qu’on me crachait au visage. Je n’oublie jamais, je mettrais à feu et à sang tous ceux qui me contrarient car mon honneur est tout ce qu’il me reste. J’ai dans l’estomac la vengeance et la haine.

J’apprécie qu’on me regarde et qu’on m’adule comme la plus pure des idoles. Pourtant, de pur chez moi, il ne reste que l’amour imprévisible et passionnel que je nourris pour quelques privilégiés. Je me complais dans la luxure et dans l’indécence. Ce sont des loisirs faciles à avoir lorsqu’on sait charmer. Plaire à tout prix a toujours été une obsession. J’ai le stupre et la pêché chevillés au corps.

Plus rien dans cette enveloppe charnelle n’est vraiment mien car ce sont les autres qui l’ont façonnée. Je n’étais rien avant de les rencontrer mais je ne suis plus rien de moi maintenant que c’est chose faite. Vengeance est devenue mon prénom, de ce sexe, tous sont à éradiquer. Ils sont la lie de l’humanité. Fusse-t-un temps où je prenais plaisir à les détruire mais aujourd’hui j’en suis la plupart du temps simplement lassée.

Je ne suis que le miroir de vos abysses les plus sombres ou celui de votre fantasme. Je vous offre la vision de ce qui vous plaît ou vous terrifie. Vous m’aimez, vous me désirez, vous me haïssez. Les trois me vont et  me feront vous remercier. On ne se définit que dans le regard que les autres ont de nous. Ne vous attachez pas à mon apparence car elle est aussi changeante que le temps. Je n’ai dans la fond plus rien de moi. Je ne suis qu’un miroir brisé vous renvoyant une vision déformée et trompeuse de vous.